M.Hollande contre Mme Thatcher - Partie I - Industrie et Emploi

L'histoire se répète souvent. Cela n'a rien de vraiment étonnant, car la nature humaine, malgré toutes les trouvailles des scientifiques et des philosophes de toutes les générations qui se sont succédés sur cette terre, n'a jamais vraiment beaucoup variée.

La mondialisation de la finance, et de ses intérêts, apporte toutefois un élément nouveau, non par le mécanisme, qui est certes renforcé par la déréglementation, mais par son ampleur qui dépasse tout ce qui avait été connu jusqu'à aujourd'hui. Comme l'on dit, c'est la dose qui fait le poison.

La campagne présidentielle qui oppose M.François Hollande au candidat-sortant se fait sur ces clivages certes ambigus, mais qui laissent supposer que du côté du premier, on a bien l'intention de ne pas donner avec autant d'ostentation que le second la part belle à la finance mondiale.

Dans ce contexte, le candidat-sortant tient à évoquer un "programme", mais, vu sa position pendant 5 ans aux affaires, il n'est pas inutile de faire référence à un bilan. Or, ce bilan se rapproche curieusement de celui de Mme Thatcher au Royaume-Uni entre 1979 à 1990 .

Le bilan de Mme Thatcher a fait (et continue à faire) la joie des milieux "néo-conservateurs" (à preuve le film qu'ils viennent de financer récemment et qui est censé rappeler les hauts faits de leur "héroïne"). Il serait, toujours d'après ces mêmes "néo-conservateurs", "globalement positif" pour le Royaume-Uni, à la fin des années Thatcher.

• Reprenons en quelques chiffres ce bilan si positif :
   
• En 10 ans de "règne", Mme Thatcher a fait passé son pays du 3eme rang mondial au 18eme en ce qui concerne le revenu par habitant ;
• Le taux de croissance en 1993 s'établit à 0,6 %, mais bon nombre évoquent une récession ;
• Le Royaume-Uni voyait aussi la masse de ses exclus (sous le seuil de pauvreté) passer de 8 % en 1979 à 22 % de la population en 1990 ;
• Plus de 20 % de ses capacités de production auront disparu en 1991 ;
• Le chômage atteint plus de 3 millions de personnes en 1993, soit environ 13 % de la population active ;
• Parallèlement, les grandes institutions financières et les multinationales enregistreront les plus hauts profits de l'histoire du Royaume-Uni.

Ce résultat impressionnant, et qui mérite sans doute les éloges des intérêts liés à la haute finance et au multinationales, est pour le moins un désastre pour le peuple anglais, qui aujourd'hui encore, n'a pas réussi à "sortir de l'ornière" dans laquelle il fut conduit.

On ne fera pas ici un cours d'histoire contemporaine du Royaume-Uni, mais on reprendra les grandes options qui fuirent suivies par Mme Thatcher et on rappellera, en miroir, celles du candidat-sortant en France.

Nous ne retiendrons ici que les "réformes" les plus marquantes de la "fille de l'épicier" (surnom que les Lords anglais avaient donné à Mme Thatcher, qui les servaient pourtant avec tant de dévouement, du fait de ses origines et remarquons que dans leur bouche, ce surnom était volontairement très péjoratif...).

1°) Désindustrialisation
2°) Emploi
3°) Fiscalité
4°) Enseignement Supérieur
5°) Finance
6°) Social
7°) Niveau General des Prix et Pouvoir d'Achat
8°) Relations avec les USA
9°) La dette extérieure


1°) DÉSINDUSTRIALISATION

Mme Thatcher

En 1979, la grande phobie des milieux conservateurs reste le "syndicat". Ils n'oublient pas leur peur des grèves et des mouvements populaires qui ont notamment conduit à la défaite de leur leader, Edward Heath.

Une solution simple est vite trouvée : réduire le nombre de lieux et le nombre d'emplois où la syndicalisation est trop facile.

Sur la période 79 à 81, soit en moins de 3 ans, 15 % des capacités de production de la Grande-Bretagne disparaissent. En 1983, pour la première fois depuis la révolution industrielle, le Royaume-Uni importe plus de biens manufacturés qu'il n'en vend.

Remarquons au passage que lorsque Tony Blair arrive aux affaires, il se félicite du travail de Mme Thatcher dans ce domaine de la désindustrialisation et il va jusqu'à dire qu'il est fier d'être dans un pays qui emploie plus de salariés dans le show bis que dans la sidérurgie. Et on ne peut que souscrire à la remarque d'un historien spécialiste du Royaume-Uni qui considérait avec une certaine perplexité la possibilité pour un mineur ou un cheminot de se reconvertir dans le design, la PAO ou la post-production...

Le candidat-sortant

De 2008-2009, soit en 3 ans, la désindustrialisation de la France s'est accélérée de façon impressionnante.. Près de 900 sites industriels ont fermé leurs portes (chiffres de Trendeo pour « Les Echos »). Nous avons perdu depuis cette date 500 000 emplois dans l'industrie.

Pourtant, en octobre 2009, le candidat-sortant, à la suite des états généraux de l'industrie déclarait
vouloir répondre au problème par une "stratégie globale et ambitieuse de politique industrielle".

Mais ces déclarations n'ont jamais été suivi d'effet, et on compte sur 2010 la disparition de près de 200.000 emplois dans l'industrie française. La contribution de l'industrie dans le PIB est ainsi passé de 24 % en 1980 à 14 % en 2007.

Entre 1980 et 2007, l'industrie française a perdu 36 % de ses effectifs, soit un total de 1,9 millions d'emplois ou encore 71.000 par an, selon une étude de la Direction générale du Trésor et de la politique économique (DGTPE).

Certes la chute de l'emploi dans le monde industriel est aussi dû en partie à une nouvelle donne que renforce les choix de non intervention du candidat-sortant : l'externalisation. Le rôle du progrès technique n'est pas à négliger, car dans bien des cas, il conduit à la réduction des effectifs. Mais là encore, les pouvoirs publics "constatent", mais ne prennent aucune mesure pour réduire le chômage qui nait de ces transformations.

Remarquons encore que la mondialisation serait pour certaines périodes de cette étude responsable directement à 45 % de la destruction des emplois industriels.

Cette mondialisation n'apparaît pas uniquement à travers la concurrence de produits étrangers sur le sol français, mais aussi par les délocalisations que les plus grandes entreprises ont pu engager avec la bénédiction des pouvoirs publics. Il suffit de rappeler le cas des constructeurs automobiles, mais aussi de la sidérurgie.

2°) EMPLOI

Mme Thatcher

De 1979 à 1981, le chômage double et atteint 2,8 millions, En 1982, on arrive à 3,3 millions (soit 13 % de la population active). Ces chiffres sont le résultat direct des licenciements (les procédures de licenciement ont été simplifiées) : 2 millions d'emplois supprimés entre 79 et 83. Si en 1989, le chômage apparaît avoir diminué de façon importante, on s'aperçoit, à y regarder de plus près, que la grande majorité des nouveaux emplois ne sont que des emplois précaires : vacataires, stagiaires, intérimaires. Dans le même temps les radiations des listes de demandeurs d'emplois sont amplifiées par toute une série de mesures discrètes...mais efficaces.

Toujours est-il que ces emplois précaires sont emportés comme fétus de paille par la fragilité de leur statut dès la nouvelle crise du début des années 90, et qu'en 1993 le chômage repasse la barre des 3 millions.

Le candidat-sortant

La désindustrialisation a eu le même effet sur l'emploi dans la France de ces 5 dernières années que dans l'Angleterre des années Thatcher.

Avec près de 4 millions de chômeurs, soit plus de 11 % de la population active, le candidat-sortant a suivi les mêmes principes que Mme Thatcher : remplacement des "CDI" par des contrats d'emplois précaires. On a même eu droit aux "fameux services à la personne" où l'on paye, bien souvent des gens jeunes, pour devenir les domestiques de gens âgés. On se doute que dans ce type d'emploi, le plan de carrière est plutôt négligé...

N'oublions pas la "réforme" de l'ANPE et la création d'un pôle emploi qui cumule l'indemnisation et la recherche d'emploi. Présentée comme une facilité pour le chômeur, elle a surtout pour volonté de "repérer" plus facilement celui qui n'accepterait pas n'importe quel emploi et de le sanctionner plus rapidement au niveau de ses indemnités.

Remarquons la croissance "hystérique" des formations qui sont censées être des aides aux "retour à l'emploi" (alors que la plupart de ces formations ne raccrochent sur aucune filière d'emplois) et la suppression des autres aides à la création d'entreprises pour les chômeurs faiblement indemnisés.

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